Helmut Newton au Grand Palais

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Du 24 mars au 17 juin 2012, le Grand Palais consacre une rétrospective à l’oeuvre d’Helmut Newton qui n’en demandait pas tant. On aurait voulu que l’exposition soit plus grande !

L’exposition au Grand Palais commence par un message d’Helmut Newton aux témoins de sa postérité : il ne fait pas ses photos pour être exposé dans un musée, il n’est qu’un sbire. Un ouvrier de la photographie de mode. Mais le mal est fait : le travail d’Helmut Newton est exposé dans les galeries du Grand Palais. C’est donc en tant qu’oeuvre d’art que je voudrais le commenter, en ne l’évoquant justement pas sous l’angle de la photographie de magazine, puisque comme il le rappelle :

Une bonne photographie de mode doit ressembler à tout sauf à une photographie de mode.

Dans la deuxième salle de l’exposition, il nous lance :

Rien n’est plus dévoilant que la nudité, fût-elle la nudité vêtue.

Un message à tiroirs. L’interprétation la plus évidente de la première partie de la phrase est proposée en illustration juste en dessous via trois diptyques qui fonctionnent identiquement : dans un même décor et avec la même attitude, les modèles de la première photographie sont habillés, ceux de la seconde ne le sont plus.

La deuxième partie de la phrase est la clé de la salle suivante. L’objectif de Newton démasque, dévoile à un point tel que ses modèles, bien que vêtus, pourraient en être gênés. Ses portraits sont ceux d’une jet set saisie comme Doisneau a saisi les badauds des Halles. Il montre qu’il n’a pas besoin de déshabiller ses modèles, pas même de les passer aux rayons X comme ceux de la dernière salle. Une dernière salle qui agit à bien des titres comme une salle à message, une salle d’explication, on le verra.

Et des explications, on dirait qu’il en faut pour parler d’Helmut Newton, souvent considéré comme un symbole de provocation. En effet, comment parler de ses mises en scène parfois pour le moins évocatrices ? Peut-être d’abord en lui laissant, encore une fois, la parole :

Je suis très attiré par le mauvais goût, plus excitant que le prétendu bon goût qui n’est que la normalisation du regard. Si je cherche la vérité du point de vue, je ne vais pas me conformer à ce que l’on accepte ou non.

S’il utilise le mauvais goût, c’est avec une discipline de fer. Aussi n’est-ce pas de la vulgarité : la vulgarité, c’est le laisser-aller. Or rien ne se laisse aller dans les compositions de Newton : tout est pensé, prévu, construit, on ne tergiverse pas pendant des heures et des dizaines de prises de vues. Le corps humain, la chair est contrainte, sculptée, usinée :

Certains travaillent l’or ou l’acier. Ma matière première, c’est la chair humaine.

Ses photographies, qui pour certains ne relèvent pas de l’art mais du papier glacé (entendu au vernissage presse), montrent pourtant la mise en scène d’une narration pertinemment privée de ses références, des mouvements toujours en quête d’un but hors cadre, face au cadre. Un photographe vulgaire ou superficiel, vraiment ? Certainement pas, et c’est encore la dernière salle qui va nous offrir des réponses. Que nous dit dans celle-ci Helmut Newton, en guise de conclusion ? Quelque chose qu’aurait pu dire, et a probablement dit à peu de choses près Oscar Wilde :

A ceux que mes photos scandalisent, je réponds « il faut être à la hauteur de sa mauvaise réputation ».

Et de répondre en images : une grosse main baguée serrant des billets, voilà pour les magazines de mode, behind the scenes. Un cul de poulet ouvert sur une planche à découper qui hurle : « du vulgaire, vous voulez du vulgaire ? Je peux le faire ».

Dans cette dernière salle, ceux qui devaient être choqués le sont, se déchaînent. A l’endroit où c’était prévu, même, sans s’apercevoir qu’ils sont tombés dans le panneau.

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