Du 9 février au 23 mai 2011, le musée du Luxembourg rouvre ses portes avec une exposition consacrée à Lucas Cranach (vers 1472-1553), l’un des artistes majeurs de la Renaissance germanique, bien connu, parfois sans le savoir, des spectateurs de la série Desperate Housewives !
Avant de parler de l’exposition, quelques mots sur ce musée à l’histoire prestigieuse : le Musée du Luxembourg est le premier musée français ouvert au public en 1750 (et préfigure le musée du Louvre), mais aussi le premier musée d’art contemporain à partir de 1818 (et préfigure le musée national d’art moderne). Le Sénat, qui en assure la gestion depuis 2000, a délégué celle-ci à la Rmn – Grand Palais pour y organiser de grandes et prestigieuses expositions, suivant trois axes : « la Renaissance en Europe », « Art et pouvoir » et « le Palais, le Jardin et le Musée : le Luxembourg au cœur de Paris, capitale des arts ».
Lucas Cranach fait partie des artistes qui ont eu la chance de commencer à connaître le succès de leur vivant. Et quel succès ! A 33 ans, en 1505, Cranach devient peintre officiel du prince électeur de Saxe, Frédéric le Sage. Conseiller, trésorier, bourgmestre de sa ville de Wittenberg, Cranach exploitera aussi une imprimerie. Les commandes d’oeuvres sont si nombreuses que Cranach constitue un atelier de peinture d’une quinzaine de collaborateurs qui peignent pour et avec lui. Au début du 16e siècle, on pouvait donc déjà lancer le même débat qu’avec certaines vedettes de l’art contemporain ! Cranach impose même tellement son style, un langage formel à l’élégance courtoise, qu’il est impossible de distinguer une oeuvre de la main de Cranach d’une oeuvre d’un de ses collaborateurs, et c’est particulièrement intéressant à garder en tête quand on regarde les tableaux.
Au delà des nombreuses commandes de portraits et de scènes bibliques, on retrouvera les plus réputées des « studios Cranach » à la fois dans la peinture de la sensualité des nus mythologiques et dans l’illustration de la doctrine de la Réforme et de l’exhortation à la foi. Ces deux thèmes a priori antinomiques (un visiteur s’exclamait que Calvin aurait bien vite brûlé La nymphe de la source, datée d’après 1537, qui illustre cet article !) se mêlent naturellement chez Cranach. A noter également, la série de tableaux évoquant avec force le suicide de Lucrèce.
De l’oeuvre donc essentiellement d’illustration de Cranach on retiendra, outre la sensualité de ses nus pourtant accompagnés de textes invitant à n’y pas céder, une puissante utilisation des contrastes, dans des travaux préliminaires de clair-obscurs aussi bien que dans la couleur, je pense en particulier au martyre de Sainte Catherine. Du point de vue de l’expression donnée aux personnages et de la composition des oeuvres, on remarque une interchangeabilité surprenante des représentations de la femme, qui arbore toujours un regard et un sourire à la fois invitants, rusés et mystérieux, que le tableau représente une dame de cour, une scène biblique, ou Salomé portant la tête coupée de Saint Jean-Baptiste.
L’exposition met en évidence ces dernières remarques, et notamment le mariage de la sensualité et de la foi en les juxtaposant. La sélection d’oeuvres montre aussi des oeuvres de contemporains de Cranach, ce qui permet de bien saisir les différences avec elles, et notamment avec les oeuvres austères et imposantes d’un Dürer.
Je suis d’autant plus enthousiaste qu’il est souvent difficile de rendre attirant l’art du 16e siècle. La présentation est équilibrée entre des textes suffisamment présents mais sans excès, créant des liens entre les oeuvres, la scénographie met en valeur les oeuvres. France 1500 aux Galeries nationales du Grand Palais m’avait un peu fâché avec le 16e siècle, Cranach et son temps au musée du Luxembourg nous réconcilient.
Tarif plein : 11 €. Je n’arrive pas à trouver l’audioguide, si vous le trouvez, laissez le lien en commentaire :-)
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