Du 21 février au 29 avril 2012, le Jeu de Paume ajoute Berenice Abbott à sa série d’expositions de photo du XXe siècle : André Kertész, Claude Cahun, Diane Arbus. C’est aussi la troisième exposition consécutive de femmes artistes, rares dans la programmation des expositions.
Voir les clichés de Berenice Abbott quelques jours après ceux de Doisneau à l’Hôtel de Ville amène naturellement à faire des ébauches de comparaisons : les images de la série Changing New York de la première font face à celles des Halles parisiennes du second. Chez l’une comme chez l’autre, la photographie immortalise le quotidien des marchands, le commun, le travail peut-être : le projet de Berenice Abbott se situe en pleine crise économique et est financé par l’administration américaine. Mais là où Berenice Abbott fixe des scènes parfois délaissées par leurs acteurs, une image de la société par ses traces : architectures, enseignes commerciales, publicités, Doisneau fait des portraits dans lesquels l’expression est toujours valable, mais griffe de nostalgie.
C’est peut-être ce côté abandonné des scènes de rue, la froideur géométrique de l’architecture qui m’ennuient dans l’oeuvre de Berenice Abbott. Ces images de gratte-ciel que j’aimais voir pour elles-mêmes chez Kertész, je les trouve arides dès qu’elles se présentent comme portrait d’une époque. Vraiment, Abbott fige. Mais c’est un style, pas un défaut. J’en veux pour preuve ses illustrations dans les années 50 pour le MIT : elle y décompose méthodiquement le mouvement dans ses états élémentaires.
On pourrait bien s’amuser en invoquant Bergson, d’ailleurs. Il nous dirait de prime abord, comme dans la première thèse de son Evolution Créatrice, qu’on ne reconstitue pas le mouvement, même en multipliant les coupes immobiles prises ou opérées sur le mouvement. Avant, bien sûr, d’aborder la constitution d’une pensée du mouvement pur dans le reste de l’ouvrage.
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Arides? C’est drôle, je les trouve plutôt rêveuses
Un côté « la vie est ailleurs » comme dans » Station-service Sunoco, Trenton, New Jersey 1954″ ou la scène humaine est figée sous le vol des fanions.
Et comme une réminiscence du « petit pan de mur jaune » dans « Park Avenue et 39e rue, New York » même si dans ce cas il n’y a que du gris lumineux et un peu de fumée au dessus…
De manière générale j’aime la manière qu’elle a de détourner l’attention : l’important n’est généralement pas sous la ligne de mire, comme sur « le Pont de Triborough » où les voitures ne font qu’emprunter l’unique passage possible entre le ciel et le vide.