Gaston Fébus, Prince Soleil au Musée national du Moyen-Âge : le point de vue du médiéviste

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Gaston Fébus s’expose actuellement au Musée national du Moyen Âge, depuis le 30 novembre 2011 et jusqu’au 5 mars 2012. Un personnage attirant ce Gaston Fébus, Phébus ou Pheobus – qui signifie « le brillant » ou « Soleil » – selon les temps et les écritures. Un nom « connu en deçà et au-delà des mers » selon les propos tenus par le personnage, loin d’être modeste.

Gaston Phébus entouré de ses veneurs, dans Le Livre de la chasse, Paris, vers1408-1409 © Bibliothèque nationale de France

Comte de Foix et vicomte du Béarn dans cette seconde moitié d’un XIVe siècle trouble et troublé par la guerre de Cent ans et la peste, l’homme en impose, ne serait-ce que par sa devise occitane « Tòca’i si gausas » (Touches-y si tu l’oses). Riche, lettré, féru de sciences, poète, grand chasseur – et connu pour son traité sur le sujet –, marié à un des plus beaux partis de France et de Navarre, la belle Agnès, Gaston III de Foix-Béarn aurait donc eu tout pour plaire – ou pour déplaire. L’événement muséal, discrètement annoncé par le Musée de Cluny, ressemblait plus une gourmandise cachée qui allait nous offrir du curieux et de l’inédit sur ce personnage complexe et pourtant bien connu par les travaux de Pierre Tucoo-Chala. Les collaborations de la Bnf et de British Library ne pouvaient que renforcer cette pensée secrète à la réception de l’invitation au vernissage.

Et quel vernissage. Une foultitude d’invités, médiévistes en nombre, étudiants en grappe et museogeeks en observateurs avertis. Une exposition sur deux salles, intelligemment agencées, où l’espace bien occupé ne donne pas l’impression d’une accumulation, et ce malgré la centaine d’objets présentés et les lectures proposées au visiteur. Comme de coutume à Cluny, le texte délivré sur les cartels d’introduction aux différentes thématiques fait preuve d’éducation populaire et de précision scientifique sans prétention. Les rappels d’écritures sur les murs en hauteur sont plus qu’utiles et pertinents, surtout dans les moments de grande presse.

Une exposition sur Gaston Fébus, soit… mais pour quels propos ? Évocation de la personnalité de l’homme, du chef de guerre et du stratège avisé, de sa richesse – avec une très belle exposition d’argenterie, belle image de son train de vie de la « cour d’Orthez » –, de son exubérance et de ses rapports avec les grands de l’époque – du beau parchemin en nombre tu verras, pas toujours en lien avec le comte pyrénéen tu noteras. Mais également un homme tourmenté et tourmenteur, répudiant sa femme, faisant assassiner son frère et causant la mort de son fils. Une première salle dense par son contenu, l’histoire proposé et malgré des objets parfois déconnectés de la vie de Gaston Fébus. La seconde salle est consacrée pleins feux sur la chasse vue par Gaston Fébus. C’est sans conteste le cœur de l’exposition, avec la présentation d’éditions du célèbre Livre de la chasse, – dont l’édition manuscrite rédigée par Gaston Fébus lui-même en 1387 – et d’ouvrages qui s’en sont inspirés, de livres conservés issus de la « librairie » de Gaston Fébus connu pour être un bibliophile averti, mais également d’interprétations contemporaines d’enluminures, un peu surprenantes dans le contexte médiéval de l’événement. L’homme a fait autorité sur le sujet, ses écrits en témoignent et leur présentation met en exergue l’intelligence du personnage. Grand chasseur connu par son traité consacré aux techniques de chasse qui fera référence jusqu’au XIXe siècle, c’est au cours de sa passion qu’il meurt, frappé dit-on d’apoplexie lors d’une chasse à l’ours dans ses terres béarnaises.

Terminant sur cette petite fin de Gaston Fébus, l’exposition présente une vision honnête du personnage et de son histoire, sans pour autant dévoiler du mystère facile ou l’improbable tapageur. Il est cependant clair que le Livre de la chasse, prêté par la Bnf, participe à l’intérêt pour le personnage dans cette exposition. On retiendra encore une fois la scénographie, entre vitrines larges et cartels classieux et concis, projection en boucle des enluminures d’éditions du Livre de la chasse et de ses copies, et mise en valeur de parchemins historiquement précieux, rarement exposés et peu connus comme le testament de Gaston Fébus.

Reste à voir le second volet de l’exposition, annoncé en province, au Musée national du château de Pau dans les Pyrénées-Atlantiques, sous le titre « Gaston Fébus (1331-1391). Armas, amors e cassa » (17 mars-18 juin 2012).

Laurent Albaret est directeur du pôle numérique de Phil@poste, médiéviste féru d’histoire postale, de rugby (notamment auvergnat), attentif au monde des musées et du web 2.0.

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