Vivons-nous dans une simulation ?

Et si toute notre vie, toute notre société n’étaient que des simulations informatiques conduites par un geek du futur ? Et si, comme dans la Matrice, toutes vos actions et toutes les lois de la physique n’étaient que des sous-routines et des positionnements de variables ? J’évoquais récemment l’analyse du film The Matrix comme un happening, et un article publié hier dans le New York Times : Our Lives, Controlled From Some Guy’s Couch vient de me replonger dans la question.

Nick Bostrom, du département de philosophie de l’université d’Oxford, ne se contente pas de parler d’évènement artistique. Selon lui, il est tout à fait possible que nous soyons les instances d’une simulation informatique globale, et il détaille ses arguments dans un article publié en 2003 dans le numéro 53 du Philosophical Quarterly : Are you living in a computer simulation ?.

Vous, moi ?

Voici un bref résumé. Dans le futur, peut-être dans à peine un demi-siècle, Bostrom prévoit que nous aurons accès à des technologies suffisamment performantes pour simuler complètement la complexité d’un cerveau, ou même de millions de cerveaux humains. L’hypothèse d‘indépendance du substrat, courante en philosophie de l’esprit, annonce qu’une conscience apparaît dès qu’un système implémente suffisamment de structures et de processus. En combinant cette hypothèse-ci et cette prédiction-là, on déduit que dans le futur nous saurons créer des programmes conscients. Plus besoin de faire flotter des corps ou même des centre nerveux et de les couvrir d’électrodes, tout tient dans une machine. Une des principales applications de cette technologie serait de mieux comprendre certaines périodes de notre Histoire.

Et c’est là que le problème se pose : comment savoir si cette technologie n’est pas déjà disponible depuis longtemps ? Si c’est le cas, nous sommes peut-être DANS la simulation. D’où la thèse défendue par Bostrom qui se résume ainsi :

« L’une au moins de ces trois assertions est vraie :

  • l’espèce humaine va disparaître avant d’avoir atteint le niveau suffisant pour développer des simulations conscientes
  • si une espèce humaine devait atteindre ce niveau, elle ne conduirait pas de simulations conscientes
  • nous « vivons » dans une telle simulation »

Bien évidemment, Bostrom détaille dans son article chacune des étapes du raisonnement que j’ai présenté, et c’est là qu’il faudra (outre la réfutation possible de l’hypothèse d’indépendance du substrat) chercher les erreurs.

D’autres liens sont donnés dans l’article du NYT : un article écrit en 2001, inspiré par les recherches de Nick Bostrom, et qui s’intitule How to live in a simulation, et qui cherche comment il faut se comporter si nous vivons dans une simulation. Par exemple, comme la simulation ne peut pas, techniquement, être infinie, elle peut s’arrêter d’un moment à l’autre. Il faut donc profiter au maximum de l’instant présent. Autre exemple : si nous sommes simulés et observés, il faut que nous intéressions notre ou nos créateurs, et donc il faut que notre vie soit non pas morose et inactive mais au contraire pleine d’action, de comédies et de drames…

Une autre question se pose également, et je vais terminer ce billet avec elle. Si nous vivons dans une simulation et que nous nous en apercevons, cela peut changer notre comportement à un tel point que la simulation n’a plus d’intérêt pour son auteur, et il risque alors de l’interrompre. Faut-il donc éviter d’ébruiter l’affaire, pour notre propre protection ?

(photo : chrissam42)

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21 commentaires

  1. lapin fou
    16 août 2007
    Répondre

    quelqu’un désire a cup of tea?

  2. Edena
    16 août 2007
    Répondre

    Vaste sujet, fort intéressant. En effet, la vague de films mettant en jeu fiction/réalité, comme Matrix, mais encore Avalon ou dans une moindre mesure The Game m’ont aussi conduit à m’interroger sur ce que nous considérons le Réel ou le Monde sensible.
    L’idée d’être dans une simulation ne pourrait-elle pas permettre d’intégrer le concept de Destin, ou même de Divinité régissant l’histoire? L’individu, le philosophe cherche à comprendre l’histoire, à lui donner un sens, une direction, un principe et une fin; alors pourquoi pas une simulation informatique?

    J’irai, quand j’aurai un peu plus de tps cliquer sur tous les liens que tu donnes. Merci pour ce sujet et ces questionnements. Je trouve cela vraiment passionnant!

  3. Edena
    16 août 2007
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    Ah oui, et moi je veux bien une tasse de thé, :-)

  4. Michele
    16 août 2007
    Répondre

    J’ai rien compris, je vais me saouler la geule…

  5. LE LAPIN FOU
    16 août 2007
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    au thé?

  6. 17 août 2007
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    @lapin fou : ah non, pas de thé à cette heure ! Une infusion, plutôt. Allez, une verveine.

    @Edena : et le pire c’est qu’il est impossible de vérifier que nous ne sommes pas dans une simulation ;-) Tiens, à ce propos, ça doit faire 6 librairies où je cherche « Simulacres et simulation » et où je ne le trouve pas… du coup j’ai encore acheté un Beigbeder que j’avais repéré depuis longtemps, « Dernier inventaire avant liquidation » :-)

    @Michele : certains artistes te diraient que ça te permet d’ouvrir les portes de ta perception ;-) Mais bois tout de même avec modération…

    Bonne nuit à tous !

  7. michele
    19 août 2007
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    Oui certains artistes comme… Arno, of course. T’inquiètes, chui une grande fille,je maîtrise achement bien mon taux d’alcoolémie, je me souviens même de la soirée, c’est dire…

  8. 19 août 2007
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    @michele : ah, j’avais plus en tête Huxley et … Jim Morrison :-)

  9. 30 août 2007
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    Simple remarque: si nous sommes dans une simulation, il y a nécessairement des erreurs, des bugs. Tout d’abord parce qu’une seule personne fera forcément des erreurs sur un projet de cette envergure, et ensuite parce que plusieurs personnes sur un projet ne fait qu’augmenter le nombre d’erreurs (loi de Murphy).
    En plus, qui dit informatique, dit piraterie. Donc, là encore des merdoiements un peu partout.
    Or notre monde est cohérent. Pourri, hostile à l’être humain, insupportable, mais cohérent.
    Donc nous ne vivons pas dans une simulation.
    CQFD, petit carré noir.

  10. 1 septembre 2007
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    @Alex : là je dois reconnaître que le raisonnement par contraposition est tentant, en effet. Mais Matrix donne un bon exemple de bug : l’impression de déjà vu, de déjà vécu, c’est un bug :-)

  11. 1 septembre 2007
    Répondre

    Mais je n’ai jamais fait l’expérience d’un bug comme celui du chat dans Matrix. Quant au déjà-vu, même si j’en ai fait l’expérience dans ma vie, je l’attribue uniquement à l’adaptation de l’esprit humain à ce qu’il est en train de vivre.
    Le déjà-vu n’est qu’une impression, issue du rêve, et donc de l’inconscient. Par conséquent, on l’adapte involontairement à ce qu’on est en train de vivre. Je recommence?
    Ah… ces cartésiens… D’ailleurs, je ne me réclame pas de Descartes. Enlevons cartésien. Disons matérialiste dans le bon sens du terme

  12. 5 juin 2008
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    Bonjour à tou[te]s,

    … Plus rien depuis 2007 ? Bien.

    Je me lance et relance :-)

    Pour comprendre et "démonter" un postulat il faut prendre le risque de l’accepter. Admettons que sous sommes dans la "Matrice", que nous sommes dans un monde simulé sans conscience d’un éventuel corps qui pourrait être totalement différent de celui que nous connaissons dans cette Matrice.
    Comment prouver que nous vivons dans une simulation?
    @Alex : je pense qu’une possibilité est de rechercher un bug comme tu l’as d’abord proposé.
    La cohérence peut-être aussi simulée et nos règles, hypothèses et définitions sont basées sur ce monde simulé, ce qui n’y est pas expliqué est exception, ce qui n’est pas attendu est admis et de nouvelles théories sont émises. Le principal outil scientifique pour décortiquer notre monde est composé des Mathématiques. Gardons à l’esprit que les Maths sont basés sur la logique et des constatations.

    Alors voilà, ce qui est impossible au regard de nos règles actuelles sera admis et ce qui est déjà admis (et devenu fondamental) peut être une erreur.

    Rechercher un bug, reviens à chercher LE bug. Le détail que l’on peut avoir de notre monde (microscope électrique, tunnel, …) et tous les outils seront des simulations.

    Il serait possible de trouver une faille en mettant en valeur les "raisons" de la limite de c par exemple qui permet un traitement de l’info avant l’arrivée de l’image (plus c’est loin, plus il y a d’info plus il faut de temps de calcul.

  13. 5 juin 2008
    Répondre

    C’est passionnant tout ça !

    On peut couper la poire en deux :
    – l’ébruiter
    ET
    – nous donner en spectacle

    L’expérience se poursuivra alors car nos observateurs stimulateurs voudront voir comment la connaissance et la conscience d’un surmoi détaché de nous peut influencer nos vies.
    Ils s’amuseront alors à comparer les données avant/après et nous pourrons continuer nos joujoux en douce.

    PS : Ce n’est pas parce que je suis parano qu’il n’y a pas vraiment un complot ! :oD

  14. EnoXx
    23 octobre 2009
    Répondre

    En rapport avec le commentaire d’alex, selon moi, il est peut-être possible de mettre le doigt sur un bug de la matrice, bien entendu je ne prétends pas avoir la solution ultime, mais si cela intéresse quelqu’un de reprendre la conversation ici avec moi, mettez un Post…

    Amitiées à toutes et tous…

  15. flo
    26 octobre 2009
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    mais bien sûr…
    Et si Paris était en bouteille, hein ?

  16. EnoXx
    30 octobre 2009
    Répondre

    Oki, bien reçu, j’insiste pas plus…

  17. flo
    2 novembre 2009
    Répondre

    Bah! je voulais vexer personne, c’était juste une vanne…..

  18. EnoXx
    11 novembre 2009
    Répondre

    Pareil pour moi..

    juste qu’en tombant un par hasard sur les posts ci-dessus, j’ai pensé que le sujet pouvait être relancé avec de possible nouvelles propositions, et pour moi, un peu égoïstement, avoir un échange sur un sujet qui me tient énormément a cœur depuis de nombreuses années..

    Pour ce qui est de mettre Paris en bouteille : hum, bonne idée, mais si on le fait, ça va pas plaire à tout de monde ^^

  19. grmmblbl
    11 novembre 2009
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    ouaip autant mettre du Bordeaux dedans, au moins ça vaudra le coup :p

  20. tarace
    18 mai 2014
    Répondre

    je prefere autant que la simulation s’arrete la à l’instant que de « vivre » une simulation. Désolé mais je ne me considère pas comme un phenomene de foire.

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