Tout le travail de Starck a-t-il été inutile ?

Dans une interview donnée pour le supplément Leben du journal allemand Die Zeit daté du 27 Mars, Philippe Starck annonce qu’il arrêtera dans deux ans son activité de designer, et qu’il considère toute son oeuvre comme inutile : Alles, was ich gestaltet habe, ist absolut unnötig. Strukturell gesehen, ist Design absolut nutzlos. Ein Beruf, der Sinn hat, ist Astronom, Biologe oder etwas Ähnliches. Design ist nichts.. En français, « Tout ce que j’ai créé est absolument inutile. Du point de structurel, le design est absolument inutile. Les métiers comme astronome et biologiste ont un sens. Le design n’est rien. ». Bien sûr, je respecte son choix, et je suis impatient d’apprendre ce qu’il fera par la suite : il dit vouloir passer à la création non plus de matériel, mais de concepts. Mais la nouvelle me tourne dans la tête depuis quelques jours…

Qui est Philippe Starck ?

Philippe Starck est un designer français, il est le plus célèbre des représentants du nouveau design, et ce depuis les années 80. Une des particularités notables de Starck, c’est qu’il ne s’est pas enfermé dans la conception de pièces uniques, mais qu’il a travaillé à la création de produits de consommation courante, à l’aménagement et la décoration de lieux publics et privés : appartements, restaurants, hôtels, salles de spectacles, discothèques,…

Autour de vous, peut-être sans que vous ne le sachiez, il y a du Starck. Pour les nocturnes, les Bains-Douches, le Café Costes. Mais aussi la salle d’attente de l’Eurostar, à la gare du Nord de Paris. Ou encore, une bouteille de bière pour Kronenbourg, une souris pour Microsoft, des ordinateurs, des poignées de portes, des chaises, et j’en oublie.

Qu’est-ce que l’utilité ?

La notion d’objet utile est extrêmement trompeuse et prompte aux erreurs d’interprétation. D’après le Wiktionnaire, utile signifie « qui est profitable, avantageux, qui sert à quelque chose. » Nous voilà bien avancés, ces trois là sont loin d’être synonymes. La notion d’agrément n’y est pas, le confort non plus. C’est « profitable » qui est trompeur, il faut le prendre au sens presque monnayable. Finalement, contentons-nous de : ce qui est utile, c’est ce qui sert à accomplir quelque chose, éventuellement plus facilement. Avec cette définition de l’utilité, en effet, le design n’est absolument pas utile, on peut faire sans.

Un monde sans design

Du point de vue strictement ergonomique, pour nous asseoir, nous n’avons besoin de rien de plus qu’un cube, voire un L. Si l’on fait entrer un minimum de confort dans l’ergonomie, on peut tolérer un parallélépipède de mousse. Une table, ce n’est que l’assemblage de quatres tubes qui supportent un plan. Dans un monde sans design, le mot table ne renvoie qu’à cette seule image. Dans chaque appartement, chaque maison, tout le monde aurait la même table entourée des mêmes cubes. Sans couleurs, sans laque, sans vernis, à l’état brut. Simplement utile.

Je ne sais pas ce que vous en dites, mais pour moi, ça s’apparente à un cauchemar. Et je me demande quel créateur peut ne pas souhaiter, consciemment ou non, que le fruit de son travail soit beau, du moins selon ses critères propres ? J’avance que seule une machine peut créer ainsi.

Pour finir, à mon sens :

Ce qui est utile n’a pas, stricto sensu, besoin d’être designé au delà du nécessaire pour l’accomplissement de sa tâche. Mais le monde serait bien terne.

Ce qui n’est pas utile, Oscar Wilde l’a dit, il faut le rendre beau.

Et au sens défini plus haut, tout art est, doit être fondamentalement inutile.

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