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4 novembre 2024

Comme je l’ai déjà écrit par ailleurs, l’exercice du blog de chroniques d’expositions est une gymnastique. A chaque artiste, à chaque exposition, il s’agit de se pencher vers des manières de voir, vers des modes de pensée toujours différents. Et plus encore que se pencher vers, il faut ensuite savoir développer, temporairement ou définitivement, un penchant pour une oeuvre.

Comment, concrètement, est-ce que cela se déroule ?

Si le penchant est déjà là, si l’on est déjà un amateur, un ami-de l’oeuvre ou de l’artiste, alors son paysage ne nous est pas inconnu. On se rend à l’exposition comme on visiterait une villégiature de son enfance, retrouvant ici un geste familier, là une lumière connue. Facile, alors, dès cette première visite, de la raconter sans tarder, la seule hésitation pouvant être celle de choisir lequel de tous nos chemins favoris nous souhaitons faire découvrir à notre lecteur.

Mais fort heureusement la vie éprise de culture réserve de nombreuses surprises, découvertes, offre des occasions de trébucher vers l’inconnu. En suivant avec confiance ses amis, en tentant la visite conviviale d’une terre culturelle inconnue avec le groupe un Soir, un Musée, un Verre.

Alors, tout est plus complexe pour le blogueur.

La première visite peut laisser tout à fait indifférent. Alors ici on n’en parlera pas. Mais si elle ne laisse pas indifférent, c’est parce qu’elle peut aller du choc esthétique touchant au physique, qui laisse pantois, de gêne ou d’émerveillement, jusqu’à la profonde interrogation métaphysique. Dans tous les cas entre ces deux extrêmes, la première visite est toujours trop courte, elle impressionne au sens impressionniste, impossible dans ce festival de sensations de prendre le recul nécessaire pour identifier les points déterminants, dessiner des fils rouges, dénicher et interroger les bifurcations. Les cartels et textes sont au mieux à peine suffisants, voire carrément inexistants, nous laissant abandonnés dans de grands espaces blancs, assaillis de signifiants tout autour sans guide, sans corde, sans piolet.

Je fus dans cette situation, comme de nombreuses fois précédemment, au sujet de l’exposition Hantaï au Centre Pompidou. La visite, proposée par Flore, a été ma première découverte de l’oeuvre. Quelques mots volés à une visite guidée par le commissaire d’exposition ont agi comme exhausteur de ma perte curieuse et impatiente dans le cheminement créatif de l’artiste. En état de choc, sans logique, j’ai pris des photos d’une qualité exécrable de certaines oeuvres que j’avais le droit de photographier, simplement pour pouvoir m’y raccrocher ensuite.

La seule étape possible ensuite c’est mûrir. Si un jour, toi chargé de la communication d’une exposition, tu m’invites à visiter une exposition d’un artiste qui m’est inconnu, et que je publie un article le jour même, ce qui est hautement improbable, n’en attends pas grand chose. Si ça ne m’a pas plus marqué que ça, je t’aurai même probablement dit que je ne pourrai pas écrire dessus.

J’ai mûri ma visite de Hantaï. Aujourd’hui, j’ai autour de moi 20 onglets ouverts dans Chrome, des heures de cours audio de Deleuze sur le pli baroque chez Leibniz, une cinquantaine de pages et d’articles imprimés, deux livres dans mon panier sur Amazon sur mon bureau, plusieurs pages de carnet noircies, des notes et citations griffonnées un peu partout au crayon de papier, certaines envoyées sur Twitter. ll faut bien vous faire patienter. Le problème avec Internet, c’est que quand tu tires un fil, c’est toute l’usine Phildar qui vient avec. Et j’aime bien ça, tirer des fils.

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