Petit rappel : Formspring est la dernière invention des gens du Web 2.0 (non, ils ne s’arrêtent jamais). Le concept est simple, vous créez votre compte sur www.formspring.me, et vous obtenez une page de la forme www.formspring.me/votrepseudo sur laquelle tout le monde peut anonymement (ou non, mais anonymement par défaut) vous poser des questions, généralement personnelles. C’est la grande mode sur Twitter en ce moment, je ne te raconte pas, lecteur.
En ce qui me concerne, si vous avez des questions à me poser, vous avez l’adresse, je réponds lentement mais sûrement, mais pas aux anonymes. Aussi, vous ne me verrez jamais sur Formspring. Si un anonyme me pose une question, il a de fortes chances que ma réponse soit extrêmement élusive, voire que je m’en tire par une pirouette. Et si dix personnes me posent la même question, il se peut que je leur donne dix réponses différentes.
Et là je sens les accusations gronder : « si tu donnes dix réponses différentes à tes dix interlocuteurs, alors tu es un menteur ! ». Et c’est là que je dis NON. Je dis qu’on ne peut pas exprimer une réponse de la même manière à dix personnes différentes, tout simplement parce que, et là encore je vais voir de grands yeux, ces dix personnes évoluent dans des réalités différentes. Rien de mystique ou de science-fictionnesque là-dedans, je ne dis pas que chacun vit dans une dimension parallèle d’un gigantesque mille-feuille, loin de moi cette supputation.
Non, il s’agit juste du point de vue du constructivisme radical, hérité de Kant, soutenu par de nombreux épistémologues et psychosociologues, et auquel je souscris [1]. En bref, notre idée quotidienne, conventionnelle de la réalité est une illusion provenant de notre entendement et que nous nous efforçons d’étayer. Ainsi, les réalités de chacun peuvent être différentes voire contradictoires, et elles ne sont pas l’effet de vérités objectives mais de la communication.
Aussi, chacune des dix personnes qui me pose cette question, non seulement n’y met pas forcément le même sens, mais interprètera différemment chacun de mes mots en fonction de son éducation, de ses valeurs, de son vécu.
Si je veux répondre le plus précisément possible à cette question, je dois savoir d’où elle vient, quel sens elle porte, et sachant cela, adapter l’expression, les mots de ma réponse à la sémantique de mon destinataire. Alors, bien sûr, formuler une réponse parfaite est un idéal inatteignable, mais on peut avoir envie de s’en approcher le plus possible… d’où l’intérêt vraiment modéré de répondre à un anonyme…
[1] Le lecteur intéressé est invité à lire l’essai très accessible de Paul Watzlawick, La réalité de la réalité, chez Points.
Mais bien dit quoi.
+1 et tutti machin.
Des bisous.
D’où le choquant: « le langage est une barrière à la communication »…
C’est très pédagogique de ta part le support visuel. Sachant que je ne suis pas anonyme, si je te pose la question d’où vient ce beau mille-feuille (et considérant que si je pose la question, c’est que maintenant je meure d’envie d’avoir le même), aurais-je une réponse?
pareil, le form machin sera sans moi !
moi j’ai une question : Pourquoi tu ne te mets pas plus souvent en Tshirt car cela te va bien ?
(tu veux que je le demande 10 fois pour voir toutes tes réponses ? )
Tiens, je suis justement en train de lire du Watzlawick.
Sinon, tu me donnes faim avec tes articles !!
Je tiens à élever la voix contre la censure stalinienne qui règne sur ce blog… « On » a censuré un commentaire où j’utilise l’image du valeureux Peillon qu’on a attendu dans l’arène… et qui contribua à la destruction de l’équilibre du débat public !
Je dis +1 parce que j’ai lâché à constructivisme.
Et COMME PAR HASARD, y’a une photo de mille-feuilles pour séparer le blabla qu’on peut comprendre de celui qui est intello.
Vive la ségrégation ! Remboursez !
Bean :: Oui, je veux dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas !
Skye :: C’est un millefeuille classique tel qu’on le trouve dans toutes les bonnes cantines universitaires.
AmeliMelo :: En ce moment, il fait un peu frais, et il faut que je travaille pour un ventre plus plat.
Christophe :: L’épistémologie à table, c’est un excellent concept pédagogique. En tout cas en France.
El Grombert :: « On » veille au grain.
Jules :: C’était pas voulu pour l’emplacement du millefeuille. Mais maintenant que tu le dis, les hostilités commencent en effet après.
Mais tu vois, sur le site tu aurais peut-être été moins pragmatique, ou bien j’aurais été moins claire et j’aurais eu une réponse plus fryienne, avec des jeux de mots…