Quoi qu’en disent le Nouvel Observateur et autres organes de presse, l’influence du blogueur a ses limites. J’en veux pour preuve ce twitt :
J’exhortai alors mes followers à me suivre pour voir Médée de Anouilh au Vingtième théâtre.
Je ne reçus aucune réponse. Je commandai donc une place sur Ticketac (très bon site, je recommande).
Soit. Je suis un blogueur incompris.
Que s’est-il passé avant que le rideau ne se lève ? Pour permettre à Jason de voler la Toison d’Or et de fuir, Médée a trahi sa famille puis massacré son propre frère. Elle fuit avec lui. Pour elle, le monde entier est Jason.
Jason est, lui, fondamentalement médiocre. Sans les sacrifices de Médée, il n’aurait rien pu accomplir. Alors qu’ils fuyaient pour rejoindre la Grèce, Jason est entré dans le monde de Médée, fait de chaos, de combat, de résistance. Médée est de ceux qui n’acceptent pas, ne se résignent pas, ne se contentent pas d’illusions mais regardent la noirceur en face.
Aussi, quand Jason arrive à Corinthe, que le calme et le confort peuvent lui revenir, le combat l’inquiète, il veut essayer d’oublier la lutte permanente, quitte à vivre, non plus dans la fuite physique mais dans la fuite mentale. Il délaisse ainsi Médée, en lui avouant qu’elle est la femme qu’il associe à la lutte et au chaos. Celle qui s’est sacrifiée pour le rendre ce qu’il est devenu, il l’abandonne pour la blancheur de la fille du roi Créon. Il troque celle qui partage avec lui un passé contre celle qui a, peut-être, un avenir.
Médée n’a plus rien que sa haine. Elle est absolument forte, elle n’a plus rien à perdre. « Qu’est-ce que je ne peux pas ? », dit-elle. Elle ne veut pas de pitié, ayant semé la mort pour Jason elle n’a plus nulle part où aller, elle veut juste se venger et mourir. Jason voudrait pouvoir l’oublier, mais son passé, son présent et son avenir reposent sur elle.
Médée se venge en assassinant Créon et sa fille. Puis elle se suicide. Jason commence à comprendre. Pour lui, Médée aurait même pu accepter de vivre la vie d’illusions qu’on s’ébauche en écartant un peu de chaos autour de soi jusqu’à couler des vieux jours tristes. Dans la dernière scène, Jason conclut : « maintenant, il faut vivre ».
La situation modernisée de la pièce d’Anouilh place Médée dans une roulotte à proximité d’un village, mais cela ne nuit aucunement au texte et à l’émotion qui s’en dégage : le problème soulevé c’est celui d’une femme de l’absolu, qui aime absolument, lutte absolument, et de l’homme qu’elle a forgé mais qui reste sans commune mesure avec elle, qui reste trop humain, trop inconstant, à la recherche d’un bonheur facile, incomplet, à portée de main. On regrettera quelques frivolités incongrues dans la mise en scène, comme la mise et l’attitude du personnage de Créon et de ses acolytes, qui font plutôt penser à des gangsters gouailleux, peut-être pour renforcer le contraste avec Médée. Choix de mise en scène qui ne me satisfait pas, mais qui reste parfaitement interprété. Mais parlons de Médée : Elodie Navarre est exceptionnelle dans ce rôle extrêmement éprouvant, pour moi un des rôles les plus forts de la tragédie. Elle rend avec succès l’intransigeance et le refus de la pitié, l’amour absolu aussi bien que la haine absolue. Bravo.
Pour résumer, un spectacle sombre et bouleversant, que je recommande vivement, et que je suis prêt à revoir sans hésitation. A bon entendeur…
Médée, de Jean Anouilh
Mise en scène : Ladislas Chollat
Avec : Elodie Navarre, Gildas Bourdet, Sylviane Goudal, Benjamin Boyer, Grégory Vouland et Gilian Petrovski.
Au Vingtième théâtre, du 29 avril au 14 juin 2009, du mercredi au samedi à 21h30 et le dimanche à 17h30
Non mais tu sais, si j’étais sur Paris, j’serais venue bien volontiers avec toi.
@Pau : Wahou, un commentaire sur cet article ! Je n’y croyais plus :-)
Je te mailerai à la prochaine sortie théâtre !
La prochaine fois qu’on est à Paris, on se fera un sortie théâtre. Promis.
Guillaume, c’est pas le tout de me mailer lors de la prochaine sortie théâtre, encore faut-il me mailer assez tôt pour que je puisse m’organiser pour pouvoir passer la nuit sur Paris ;)
Bon, me suis plantée, ça a envoyé le commentaire avant que je finisse.
Je voulais donc dire que ton disaïne de blog il est drôlement bien, et qu’avec l’ADSL, putain ça chaaaaaange !!
@Alex : Ah, cool. Faudrait que je trouve une pièce en anglais, comme celle de Wilde qu’on avait vu à Lyon. C’était génial.
@Pau : Mince alors, j’ai cru que tu étais parisienne. Va falloir qu’on organise des journées comme avec Bean. On va faire Pau à Paris, Bean à Paris, Bean et Pau à Paris :-) (Merci pour le disaïne !)
Je suis pas parisienne non non … Je suis rien en fait, je suis partout et nulle part à la fois :D
ça y est, Guillaume n’imagine plus qu’on puisse le lire aussi de province. Merci d’intéresser tes « followers » à la mythologie grecque (et au théâtre) !
@DonaSwann : Je dois reconnaître qu’être à Paris facilite tellement les choses… J’adore le choix permanent de spectacles, et le fait de pouvoir y être en si peu de temps !