L’Etre imaginaire était presque parfait : paradoxe de Newcomb

Le Jeu des boîtes de l’Etre imaginaire a mobilisé les scientifiques, c’est indéniable. Et les scientifiques ont une particularité intéressante : ils veulent trouver LA solution. Malheureusement, le problème que pose l’Etre n’a pas une seule solution, mais bien deux, dont les argumentations s’excluent. Ce paradoxe a été inventé par le docteur William Newcomb, spécialiste en physique théorique, en 1960, et repris ensuite par des philosophes et des psychosociologues.

Avant de tout révéler sur l’articulation des solutions et, surtout, sur l’interprétation psychosociologique de celles-ci, reprenons les réponses des commentateurs.

Comme l’a fait remarquer Flo-bonhomme, il manque une donnée au problème. Dès lors, toute spéculation mathématique est vaine, même si, comme me l’a soutenu Flo-triangles au téléphone, l’énoncé, s’il est interprété en termes mathématiques, amène à associer à chaque cas une probabilité, et à conclure avec Alexandre qu’il faut prendre le contenu de la deuxième boîte.

Sans entrer dans l’inférence mathématique, Flo-bonhomme cherche le raisonnement sous-jacent au choix à accomplir. Et en effet, si l’on considère que l’Etre construit sa prédiction sur une connaissance du raisonnement du joueur, on s’engage dans une succession infinie de « si il pense que je pense qu’il pense… », dont la seule échappatoire est asymptotiquement le recours au hasard. L’approche est séduisante, vu qu’elle évoque justement le concept d’incommunicabilité et des hypothèses comportementales qui sont au coeur des travaux du psychosociologue Watzlawick qui propose le paradoxe de Newcomb et ses interprétations. Mais ici, on ne sait pas quel est le moyen de l’Etre pour avoir une précision presque absolue, et il peut donc se baser non sur sa prévision du raisonnement, mais bien sur la prévision du choix final, qui doit être validé même s’il est le fruit du hasard.

Reprenons du début.

Les deux choix possibles et leurs justifications sont les suivantes :

  • L’Etre étant capable de prévoir mes choix, si je choisis de prendre la deuxième boîte, il va presque sûrement l’avoir prévu, et je gagne 1 million d’euros
  • Le premier raisonnement ne me convient pas, puisqu’au moment où je choisis, le million d’euros se trouve ou non dans la deuxième boîte, et l’Etre ne peut plus rien y faire. Donc, dans les deux cas, si je prends les deux boîtes, je gagne 1000 euros de plus.

Chacune de ces deux explications est très simple, et elles correspondent au premier choix, instinctif, auquel le joueur confronté au problème aboutit. Dans les études qui y ont été consacrées, on a observé qu’après avoir choisi une solution, les sujets ne changent pas d’avis, malgré toutes les tentatives d’argumentation des partisans de l’autre choix, et réciproquement. Chaque choix exclut l’autre, et les informations disponibles ne permettent pas de choisir l’un plutôt que l’autre.

D’après Watzlawick, les deux choix ci-dessus correspondent à deux visions de la réalité et de la liberté d’action. Ainsi, celui qui choisit de prendre la deuxième boîte souscrit au déterminisme proposé par l’Etre, il croit ou peut croire que la réalité est inéluctablement ordonnée. Ou alors, il a simplement foi en l’Etre. A l’opposé, celui qui choisit de prendre les deux boîtes ne voit aucune prédétermination à ses actions, qui sont donc indépendantes du choix de l’Etre, donc libres (alors que le joueur précédent accepte qu’il y ait une causalité a posteriori de son choix). Et nous arrivons à la controverse entre déterminisme et libre-arbitre.

Une remarque subsidiaire, toutefois : toutes les spéculations et conclusions qui précèdent présupposent qu’à la fois les joueurs et l’Etre sont tous soumis au même passage du Temps, à savoir qu’ils se déplacent tous ensemble sur la droite du passé à l’avenir. Or, si l’Etre a de telles capacités, il se peut qu’il voie le temps comme nous, nous voyons les trois dimensions d’espace : c’est-à-dire qu’il peut d’un « coup d’oeil », « voir » le déroulement d’une vie entière devant ses yeux. Ce qui nous apparaît alors comme une prédiction de l’avenir dans le passé, comme une causalité a posteriori, n’est en fait que la trace dans nos trois dimensions de l’action de l’Etre. Alors, dans ce cas, cela signifie que la prédiction est infaillible puisqu’elle n’en est plus une. Et il faut donc prendre la deuxième boîte.

Au prochain billet, après cet intermède psychosociologique, nous reprendrons le cours temporel normal des évènements.

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4 commentaires

  1. Flo
    7 août 2009
    Répondre

    Ok, je comprends mieux la subtilité de la chose : c’est un mini-test de personnalité alors que je n’y avais vu que probabilités…

  2. Flo
    7 août 2009
    Répondre

    Et moi j’avais mal lu l’énoncé, en pensant qu’un choix de la deuxième boîte prédit avec succès entraînait perte du million. Et, ouais, n’ayant pas trouvé le « truc » mathématique, je me suis rabattu sur l’aspect psychologique.

  3. 7 août 2009
    Répondre

    Subtilité intéressante mais que je me permettrai de commenter.
    Je me positionne dans une alternative semi-déterministe pour faire face à ce problème. Je m’explique : il me paraît presque sûr que la deuxième boîte contient 1 000 000 €. Les données du problème sont ainsi faites. La perspective de gagner un millième de plus me paraît déraisonnable. Et pour finir – ce qui n’est pas dit dans la théorie – dans le cas improbable où je repars sans un euro, et bien tant pis. Je peux vivre sans un million d’euro qui tombent tout crus.
    Don j’accepte le déterminisme du problème (et pas de la vie entière) mais n’en retire pas d’influence sur mon comportement. La possibilité de l’Etre n’est pas de mon ressort de scientifique, je me rattache à des statistiques solides et à une conception stoïque de la défaite.
    Pouf pouf.

  4. lapin fou
    10 août 2009
    Répondre

    la solution est toute simple 1000 euros de carottes, je m’en balance, 1000000 non, c’est le grand principe de la FdJ, je suis résolu à prendre un risque peu important pour un bénéfice énorme (aussi peu probable qu’il soit), les postulats de base m’importent peu, c’est le rêve qui prime.

    Ainsi tourne le monde.

    Ne serions nous tous pas un peu des Mad rabbit?

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