Du 8 au 28 mars 2010, Hubertus Biermann interprète à la MC93 de Bobigny La Contrebasse de Patrick Süskind. Un monologue, celui du musicien dans un premier temps, puis celui de l’homme.
Le contrebassiste apparaît seul, dans une pièce où les murs et contours des objets sont figurés par des bandes blanches. Au centre, la contrebasse qui, dans son étui, prend toute la place. L’étui lui-même prend de la place, est toujours dans le passage, doit être déplacé. La contrebasse est majestueuse, large, omniprésente, par sa taille aussi bien que par son pouvoir de pénétration sonore et son rôle dans la vie du contrebassiste. Il est aussi indispensable à l’orchestre et à la symphonie qu’il n’est pas reconnu : c’est cette frustration qu’il exprime, celle du contrebassiste, et à mesure que son monologue avance, il boit de plus en plus, et c’est la frustration de l’homme qui se fait jour…
Un texte de Süskind, où on effet l’on retrouve la même minutie, le même amour et la même haine de la perception que dans le Parfum, en même temps qu’une description de l’âme humaine, une élocution proche des oeuvres de Thomas Bernhard. Un texte merveilleusement servi par Hubertus Biermann, dont l’âge, l’apparence physique même, semble changer entre ses moments de rage, d’inspiration, d’interprétation. Car Hubertus Biermann est aussi contrebassiste, et joue quelques morceaux en solo, même si son personnage répète qu’on ne saurait sortir quoi que ce soit d’harmonieux d’une contrebasse, et encore moins en jouer en solo. A noter, en particulier, en plus du morceau final, classique, et qui nous élève très haut, un morceau de contrebasse qu’on pourrait qualifier de « total » : percussion sur les cordes, sur le corps de la contrebasse, coups de pied et sur la tête, crissement des doigts caressant le bois, et bien sûr frottement de l’archet, mais pas seulement dans le sens attendu : une grande découvert dans ce spectacle, celle d’un son presque électronique, industriel, et je me répète, « total », émis par une contrebasse.
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