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Certes, cette exposition est terminée (elle avait lieu du 24 février au 31 juillet 2011), mais je voulais quand même publier ma chronique pour archive, parce que cette quatrième étape d’Indian Highway répond à l’exposition Paris-Delhi-Bombay proposée en ce moment au Centre Pompidou, et aussi parce qu’il m’arrive rarement de voir des expositions hors de l’Ile de France.
Cette exposition est le quatrième épisode de la deuxième saison de ce qu’il convient donc d’appeler la série Indian Highway. Après Londres, Oslo et Herning, avant Rome, Moscou, Hong Kong, Singapour, Sao Paolo et enfin Delhi, c’est au musée d’art contemporain de Lyon qu’elle s’arrête. Les commissaires généraux sont pour le moins réputés : Julia Peyton-Jones et Hans Ulrich Obrist, co-directeurs de la Serpentine Gallery de Londres, et Gunnar B. Kvaran, directeur de l’Astrup Fearnlet Museet d’Oslo. Le commissariat d’exposition est assuré pour Lyon par Thierry Raspail, directeur du MAC Lyon.
Si l’on parle toujours de l’Inde et d’art contemporain, le concept diffère de Paris-Delhi-Bombay, qui n’est conçue que pour un épisode et pour mettre en scène un dialogue entre artistes français et indiens. Ici on s’intéresse aux artistes indiens uniquement, dans un espace très vaste (2 étages pour 2000 m2) où l’on se propose d’adresser une réalité complexe, au delà des clichés et poncifs occidentaux sur la culture indienne. C’est moins de commande, moins politique, moins immédiat.
Même si cet immense espace permet de faire entrer des oeuvres aussi imposantes que le camion d’acier à l’échelle 1:1 de Valay Shende ou, là encore on va chercher des oeuvres sur une Highway, un autre camion mais cette fois-ci humanisé par sa mort, tourné en dérision sous la forme d’un Aquasaurus (Jitish Kallat) défunt à mi-chemin entre un Cars morbide et les squelettes d’un musée d’histoire naturelle, même si ces oeuvres nous obligent à nous déplacer et à lever la tête pour les observer, ce ne sont pas elles qui font le plus mouche. Je pense à une toute autre échelle, à celle des parasites qui s’insinuent dans les angles des parois sinon parfaitement blanches et géométriques des white cubes, pour les rappeler à leur impermanence et à leur environnement hostile (In Between, Hemali Bhuta), ou les fissures et imperfections qui sont autant d’ouvertures vers des possibles (Sumakshi Singh).
Si le choix des oeuvres a permis d’investir aussi profondément les murs, il occupe également l’air, faisant d’Indian Highway une expérience à la fois visuelle, auditive et olfactive. L’ambiance sonore du premier étage est assurée par Sudarshan Shetty, entre la musique sacrée et le bruit de vaisselle inox de Subodh Gupta, sous la forme d’une vache-squelette (Si je devais noter encore une grande différence entre Paris-Delhi-Bombay et Indian Highway, c’est la quasi absence dans cette dernière de présence humaine. Partout, la matière ne semble être là que pour porter les traces de l’humanité.). Au deuxième étage, la fumée de la forêt de bâtons d’encens de Growing (Hemali Bhuta, encore) associe ses parfums entêtants aux sons d’une nature qui reprend ses droits sur une usine (in)humaine dans la vidéo Residue du collectif Desire Machine Collective.
L’expérience de visite est saisissante sur tous les plans, l’émerveillement peut se changer en dégoût et le dégoût en émerveillement, les émotions sont là, et si les sens sont comblés le sens est loin d’être oublié, avec des cartels qu’on devrait montrer en cours de muséographie. Je m’incline et voudrais tant en dire encore que je trouve ce billet bien réducteur. Qu’on me paie le trajet à Rome, Moscou, Hong Kong, Singapour, Sao Paolo, Delhi !
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