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Du 6 juin au 24 septembre 2012, après avoir été présentée à la Tate Modern de Londres et à la Nationalgalerie, Staatliche Museum de Berlin, l’exposition Panorama, rétrospective de l’oeuvre de Gerhard Richter depuis le début des années 60, se pose au Centre Pompidou.
Le titre est déjà riche d’enseignement : Panorama. Panorama de l’oeuvre de Gerhard Richter, qui est elle-même un panorama de la peinture. Un parcours chronologique et thématique dans l’exposition, comme dans la carrière de Richter, qui explore méthodiquement les caractères les plus opposés de la peinture, de la stricte figuration à l’abstraction algorithmique.
Epuiser la peinture ?
Richter déclare « n’obéir à aucune intention, à aucun système, à aucune tendance ». On peut le croire : sa pratique a plusieurs fois changé du tout au tout au cours de sa carrière. On s’en convaincra (de manière peut-être un peu caricaturale) en regardant les paysages de la salle 7 peu après les abstractions de la plus instinctive à la plus rationalisée des salles 3 à 5.
Derrière cette révolution permanente, comme seule constante, la peinture. Comme si la carrière de Richter constituait une réponse méthodique à la phrase de Duchamp devant une hélice d’avion : « La peinture est morte. Qui pourra faire mieux que cette hélice ? Dis-moi, tu en serais capable, toi ? ». Mais non, on ne peut pas croire à un tel acharnement, la pratique de Richter est trop empreinte d’expérimentation, de prise de risque, de plein investissement dans la création plus que dans la théorie.
Au gré de ce parcours on trouvera des installations de verre de l’artiste réparties avec ce que je ne saurais appeler autrement qu’une conscience élémentale. Le terme semblera peut-être étrange, mais c’est comme ça que j’ai ressenti ces interventions. Voyez sur place. Ces installations sont aussi des satellites annonciateurs de la catastrophe fondamentale, du centre de gravité de l’exposition : la salle 6.
La salle 6 : l’Homme et la Création
Dans un grand triangle central, l’Homme est confronté à l’acte de création. Mais ce n’est pas un triangle de l’évolution, du mouvement, le triangle jaune du Bauhaus, mais plutôt un triangle gris, translucide. Le gris pour le peintre, « gris parce qu’il n’est ni blanc ni noir ou parce qu’il est blanc tout autant que noir » [1], c’est le signe du chaos nécessaire de l’avant-peindre, de la matrice, c’est le premier trait de crayon qui gomme l’infinie capacité de la toile blanche, qui choisit une solution. « Etablir un point dans le chaos, c’est le reconnaître nécessairement gris en raison de sa concentration principielle et lui conférer le caractère d’un centre originel d’où l’ordre de l’univers va jaillir et rayonner dans toutes les dimensions » [1]. La salle 6, c’est la source, le point culminant depuis lequel regarder le Panorama de la peinture.
Mais que se se passe-t-il si l’Homme échoue à contenir la déferlante de possibles dans sa tête et à la surface de la toile, si la réalité, épuisée, s’effondre sur elle-même, si tout se mélange. Il n’y a plus de repères, plus de lumière ni d’obscurité, plus de vision ni d’absence de vision, plus que le gris ou le translucide à perte de vue. Le chaos a pris tout le tableau, il a tiré le rideau sur les trop nombreux possibles. Le rideau est là, devant nous, fermé, dans la salle 6. Le gris est tout autour de nous, on a beau se regarder dans les vitres notre reflet ne nous revient plus, tout s’est effondré. La salle 6, c’est l’abîme de la création dans lequel tout le Panorama peut tomber à tout moment.
[1] Paul Klee, Note sur le point gris, in Théorie de l’art moderne
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