Du 2 mars au 4 juillet 2011, le Centre Pompidou invite François Morellet et accueille l’exposition Réinstallations, une sélection effectuée avec l’artiste qui, comme son nom l’indique, montre un aspect particulier de son oeuvre, une extension de son oeuvre de peintre, les installations, dont certaines créées spécialement pour cette rétrospective.
Depuis sa première exposition en 1950, et jusqu’à aujourd’hui, François Morellet, en utilisant divers matériaux (ruban adhésif, poutres néons, traits de craie,…), a créé des installations abstraites à travers des systèmes ordonnés ou hasardeux mais toujours sous la contrainte d’une méthode. Je ne sais pas ce que François Morellet dit de son oeuvre, mais j’y ai trouvé deux mouvements bidirectionnels : une convocation de la nature sur le mur d’exposition en même temps que son évasion, et un va-et-vient entre l’oeuvre et le spectateur.
De la nature au mur, et comment elle s’en évade
Dans ses Géométrees (Géométree n°5, 1983 et Géométree n°93, 1985), ce sont des tiges, herbes, branchages qui sont convoqués sur les murs blancs de l’exposition comme représentants des formes abstraites qu’ils contiennent. En étendant cette idée un degré au-dessus, les Défigurations détachent des représentations figuratives de la réalité leurs postures principales sous la forme de carrés blancs projetés, eux aussi, sur les murs blancs du musée (un clin d’oeil insistant à Malevitch). Le mouvement en sens inverse d’évasion de la forme abstraite inscrite en deux dimensions dans le mur est déjà présente dans les Géométrees : la ligne droite, noire, essentielle, transcendante, s’incarne dans une ligne particulière, unique, qui la masque, devant elle et décollée du mur, la branche d’arbre. Dans 4 angles droits composés de 2 poutres coupées d’onglets et de 2 lignes au mur, 1982 ou Carré à demi libéré, 1990, c’est encore la forme abstraite, cette fois-ci fragile, un simple trait de craie, qui se libère et se renforce à l’infini, quittant la surface du mur pour devenir une poutre de bois qui s’avance vers le spectateur.
De l’oeuvre au spectateur et retour
C’est une des manifestations du mouvement de l’oeuvre vers le spectateur, une avancée vers lui, une menace sur lui peut-être pas, en tout cas une volonté de l’impressionner au sens photographique du terme. Exemple dès le début de l’exposition avec Néons 0°-45°-90°-135° avec 4 rythmes interférents, 1963-2011 avec ses clignotements dans toutes les directions qui se superposent sur la rétine du spectateur. En quelque sorte, on ne regarde pas cette oeuvre, mais elle vient se projeter sur l’écran noir que l’on ne peut voir que pendant quelques instants grâce à la persistance rétinienne. Mais Morellet intervient pour permettre une action en sens inverse du spectateur : dans 2 trames de tirets 0°-90° avec participation du spectateur, 1971 et 2 trames 45°-135° de néons interférents, 1972, des boutons de commande permettent respectivement d’allumer ou d’éteindre certains tirets et de déclencher le clignotement d’une ou de l’autre trame. Le spectateur-acteur a alors la sensation démiurgique de pouvoir piloter une installation monumentale, sans toutefois la contrôler totalement puisqu’elle conserve un caractère aléatoire. Un message à l’attention d’une humanité qui se croirait maître de la nature ?
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