Du 18 juin au 7 août 2011, la Gaîté lyrique crée ce qu’elle est née pour créer : une zone qui reconstitue pour un temps donné l’environnement, les modes de pensée et les codes d’une communauté, celle du skateboard.
Public Domaine. Domaine public. Public domain. Même pour ceux qui, comme moi, ne connaissent pas les noms de référence de la culture skateboard, le titre ne manque pas d’évoquer quelque chose de l’ordre de l’appropriation ou de son refus. Tout dépend du côté de la rampe où l’on se place. Déjà les mots sont problématiques. Appropriation, ré-appropriation ou refus de la propriété ? Au-delà du skateboard, qu’est-ce qui dans l’organisation de nos sociétés donne naissance à tout un ensemble de mouvements parallèles, non pas dans le sens horizontal, cosmopolitain, borné, défini, étiqueté, non : on a affaire à des groupes, regroupements, cultures, sociétés (là encore chacun de ces mots renferme un paysage de connotations et pourrait être sujet à débat) qui sont ou se veulent par construction underground. Et pas seulement au sens littéral d’une activité souterraine et souvent illicite que seuls les cataphiles peuvent revendiquer.
Exemples ? Les skateurs, les hackers (tiens, déjà deux communautés auxquelles s’intéresse la Gaîté lyrique, tiendrait-on un fil conducteur dénudé et sous tension ?), les gothiques, j’en passe et surtout je passe sur les nombreuses subdivisions que peuvent masquer ces appellations macroscopiques. Dire « les skateurs », après tout, ou « les hackers », c’est un peu comme dire « la musique électro », ça n’a pas vraiment de sens. Ou remarquez, dire « les gens », ou « l’opinion publique »… Bref.
Ce qui me plaît particulièrement dans ce que j’ai vu pour l’instant de Public Domaine, c’est la réussite d’un projet de reconstitution et de rassemblement d’un milieu d’une manière qui lui soit loyale et respectueuse. C’est certainement pour cela que la communauté des skateurs est au rendez-vous, pour une exposition de l’esthétique skateboard. La musique ne sera pas oubliée, faisons confiance à la Gaîté lyrique là-dessus, et bien sûr la pratique sportive est au centre, avec un dispositif… impressionnant.
Mais comme l’écrit dans son éditorial le directeur de la Gaîté lyrique Jérôme Delormas, « [le skate] est une attitude, l’affirmation d’un mode de vie, […] bien plus qu’un sport, une activité, un hobby, un moyen de déplacement ». Conjointement à une esthétique, la culture skateboard a-t-elle (je le crois) une éthique, des codes, des règles tacites ? Y a-t-il des conflits internes entre courants, ou chacun évolue-t-il indépendamment, les skateurs se reconnaissant de manière silencieuse et bienveillante lorsqu’ils se rencontrent, tels des dandies sur roues ? On pencherait plutôt pour la première possibilité a priori mais on fait certainement une approximation et donc une erreur… Les conférences permettront-elles d’éclaircir ces questions qui semblent importantes pour mieux comprendre cette communauté… et peut-être les autres. Lecteurs skateurs ou non, quel est votre sentiment ?
Un docu sur l’émergence du skate et la construction médiatique du mouvement.
Avec Sean Penn à la narration et les pionniers du mouvement (Jay Adams, Stacy Peralta, Tony Alva…) : http://www.sonypictures.com/classics/dogtown/