Où est passé le décor ? Il n’y a plus, ou presque plus ce décor, ce paysage qui était très présent dans les oeuvres de Patrick Chambon. Le papier peint s’est fait camouflage, peau d’âne, peau d’homme, peau d’âme.
Les hommes se font passer pour des animaux ou les animaux se font passer pour des hommes, mais ils sont trahis par leurs pieds, la première et dernière chose qui doive toucher terre et qui ne soit pas remplacée par des pattes. Âne à peau d’homme ou homme à peau d’âne, qui colle à la peau de qui, qui s’enroule dans qui, dans quoi ? La peau est comme un costume sorti, déplié, étendu, revêtu, pour substituer ses plis aux replis de celui qui le porte.
J’écris ici, et je tiens à le souligner, sur la seule base des images des oeuvres, et non après les avoir vues, ce qui sera très important. Il s’agit de papier, de collage, et les superpositions, leur ordre, présente, vous en conviendrez, lorsqu’il s’agit de déguisement, une importance cruciale.
Se déguise-t-on pour paraître meilleur ou simplement autre ? Les animaux de Patrick Chambon ne sont pas les héros de la faune : pas de lions ni d’aigles, pas de tigres mais des animaux à sabots. Mais l’âne, n’est-ce pas une figure récurrente du sujet chez l’artiste ? Quelles séquelles entraînent la punition qui consiste à porter un bonnet d’âne ?
Ou alors, faut-il regarder le déguisement des hommes de Patrick Chambon comme des opérations de tricherie ? On connaît son goût pour la pensée, les mots, la voix de Lacan, alors aurait-il voulu représenter l’autruicherie ? Est-ce une évocation de l’espace de création des enfants jouant avec les draps d’un lit et s’en faisant des univers, celui dont fait l’éloge Foucault en parlant des hétérotopies ? Qu’est-ce que le lieu du déguisement, du travestissement, est-il un espace de liberté ou de contrainte ?
Faut-il connaître l’intérieur ou l’extérieur pour connaître la vérité ? Le masque, le déguisement n’est-il pas plus vrai que celui qui le porte ? Le sujet ne peut-il dire la vérité sans un masque ? Pour aimer Lacan, l’artiste aime aussi Wilde.
L’exposition de Patrick Chambon, intitulée Le papier dans tous ses états, sera visible à la galerie Charlot du 6 mars au 12 avril 2014.
Je renouvelle mes remerciements à la galeriste Valérie Hasson-Benillouche pour ses choix qui ne m’ont jamais déçu, m’ont toujours interrogé et m’accompagnent depuis que j’ai commencé à modestement m’exprimer sur ce que je regarde.
Je félicite Patrick Chambon, je soumets à son commentaire ces quelques réactions et jeux de mots à chaud sur ses oeuvres récentes, tout en sachant qu’il pourra m’en dire un peu plus de vive voix. Il sera présent, en compagnie de Pontus Carle avec qui il partage les murs de la galerie, le jeudi 6 mars pour le vernissage de l’exposition !
[…] Patrick Chambon est un ancien élève des Beaux-arts de Toulouse. Son travail me rappelle des strates, un peu comme des fouilles archéologiques. En fait, il est fasciné par les matières, les sols, les texturologies de Jean Dubuffet. Je dois dire que lorsqu'on les regarde de près, elles sont assez étonnantes. Quand on les observe, on ne sait jamais si les personnages sont en train d'apparaître ou de disparaître. Cela est le résultat d'un savant travail de ponçage, qui contribue à donner l'impression de morceaux d'images juxtaposés. […]