Art, industries et business : vendre du rêve, c’est mal ?

[NDLR : La visite de l’exposition Wovon Maschinen Träumen d’Ars Electronica dans le bâtiment de Volkswagen à Berlin a inspiré notre auteur invité Axel Norbelly/@axelarwak pour une réflexion sur les liens souvent sujets à débat entre art et business. Nos avis divergent sur cette question, cela m’invite à publier cette opinion. Réagissez ! — Guillaume]

Un autre rêve est discuté avec Ars Electronica dans ce bâtiment de Volkswagen : celui de toutes les institutions culturelles d’Europe actuellement: pouvoir financer ses activités en pleine crise économique. C’est sans aucun complexe qu’Ars Electronica a signé un contrat avec Volkswagen pour cette exposition. Les chiffres sont confidentiels, mais on imagine bien le contenu des tractations. Donner une âme aux machines, faire du storytelling autour de la nouvelle technologie, se rapprocher d’un label d’excellence en terme d’innovation et de contenu artistique… C’est une aubaine pour le constructeur de voitures. Pour Ars Electronica c’est l’occasion de faire rayonner son image en Europe, de faire circuler les œuvres, d’atteindre de nouveaux publics… et surtout d’encaisser un chèque qui permettra d’organiser des actions culturelles d’envergure. Certes il faut passer devant le show-room de Bentley, Bugatti, SEAT et Skoda avant d’atteindre l’entrée de l’exposition. On n’en perd pas pour autant sa rétine.

Le monde change, les rapports de force aussi. Sans parler pour autant de « désengagement de l’état », tous les marqueurs indiquent aujourd’hui que la seule subvention n’est plus un modèle économique viable. Des candidats aux présidentielles 2012 annoncent une explosion du budget de la Culture, ce que nous espérons tous. Cependant, ce qu’on remarque pour l’instant sur le terrain est d’un autre ordre.

Malheureusement, beaucoup de lieux dédiés à la culture continuent de tergiverser sur la supériorité de l’art sur le vil marché. On entend encore qu’un musée ne peut pas être une marque (heureusement, le Louvre fait le sourd et avance avec succès). Il est dit que l’arrivée du privé dans l’atelier de l’artiste, c’est la mort des muses. Je voudrais rassurer ces gens. Il suffit d’ouvrir n’importe quel ouvrage d’histoire de l’art pour voir que cela fait des millénaires que les muses forniquent allègrement avec la politique, l’économie, la religion et toutes les autres sphères de pouvoir imaginables. Cela n’a empêché personne, des Pharaons à Jeff Koons en passant par Michel Ange, Mozart et Molière, Andy Warhol d’être créatif et créateur. Chose amusante, lorsque le Ministère de la Culture est créé en France en février 1959, on a crié au scandale : l’état voudrait asservir les artistes. Faudrait savoir !

Je ne parle pas ici uniquement de mécénat. Les institutions culturelles et les lieux d’art ont développer au cours du temps de nombreuses expertises uniques et extrêmement précieuses dont certaines auraient une véritable valeur sur le marché (notamment en terme de médiation). Sans pour autant dénaturer les missions d’intérêt public qui doivent être préservées, ne pourrait-on pas envisager l’élargissement du champ d’activité de certaines institutions culturelles ?

Artistes, professionnels de la culture, amateurs ; ne sous-estimons pas le pouvoir de la création, la liberté qu’elle procure, la force qu’elle donne. L’entreprise et le marché, ne sont pas nos ennemis. Fait de la même argile (valeurs, innovation, luttes…), aujourd’hui le privé peut nous tendre la main. Desserrons le poing et acceptons au moins de nous observer. Nous traversons des mutations profondes à tous les niveaux. Soyons vigilants, ne laissons pas nos trésors se faire piller, mais acceptons de changer.

Il n’est pas question ici d’exposer ses œuvres dans les vitrines d’une grande enseigne sans aucun travail de curateur, sans aucune médiation et sans aucun goût (!). Il est question d’une collaboration intelligente entre deux univers déjà interconnectés.

Axel Norbelly

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