Une ou deux réflexions sur l’exposition de bande dessinée et Pictoplasma

Pictoplasma, c’est le nom du festival berlinois qui était invité à la Gaîté Lyrique au mois de décembre 2011. Je n’ai pas écrit au sujet de cet événement pendant son déroulement, mais pourtant le propos de l’exposition me semblait mériter d’y consacrer au moins quelques questions. Puis est venu le festival de la BD d’Angoulême, des réflexions autour des expositions qui l’accompagnent, et d’autres questions, donc je vais tout reprendre ici. N’hésitez pas à compléter…

Bande dessinée et figuration narrative

« Bande dessinée et figuration narrative », c’est le nom de la première exposition de bande dessinée en France, en 1967. Premier élément, elle avait lieu non pas dans un musée de Beaux-Arts, mais au musée des Arts Décoratifs. Deuxième élément, les bandes dessinées sont mises face à des oeuvres du mouvement théorisé dans les années précédentes et baptisé Figuration narrative. La Figuration narrative dans les années 60 c’est, après une longue période d’essor de l’abstraction et de l’art moderne, un geste de retour à la figuration. La bande dessinée, en face, cherche une légitimation.

Récemment, à l’occasion d’une exposition de bande dessinée montée pendant le festival d’Angoulême, un commentateur à la radio se posait des questions sur la possibilité d’exposer de la BD. Faut-il exposer la bande dessinée telle qu’elle se lit et montrer toutes les planches à la suite, ou justement s’extraire de la narration ? Et partant, peut-on dire du dessinateur de BD dont les planches arrachées de la narration sont appréciées, cotées, qu’elles sont, elles, des oeuvres d’art, le travail de « vrais artistes » ?

Prenons ces mots, figuration, narration. Deleuze rappelle comment Baudelaire en ses critiques d’art appelle à se garder des dangers de l’illustration et de la narration. La bande dessinée serait ainsi, par sa nature même de figuration narrative, le prototype de l’écueil. Comment la légitimer, comment lui donner une noblesse ? Je retrouve la question de notre commentateur de radio : pour certains élus parmi les dessinateurs, les illustrations deviendraient, dépouillées de leur avant et de leur après, dépouillées de leurs textes, des oeuvres d’art, tirées en grand format, signées, cotées.

Pictoplasma : extraire le personnage du contexte narratif

Pictoplasma apporte une proposition nouvelle : le personnage sans contexte. Créé pour lui-même, sans légende, sans histoire, sans avenir, sans texte. Que reste-t-il d’une figuration dont on aurait retiré toute narration, et cela suffit-il à faire émerger un fait pictural, à faire oeuvre ?

A cette question Pictoplasma répond plutôt par la négative : non, la création de personnage, le character design n’est pas l’oeuvre d’une élite artiste, c’est celle de tout internaute, de tout enfant qui viendra griffonner son monstre. A posteriori, devant ces centaines de figures, attribuer un sens ou non, une volonté ou non, à l’un de ces personnages, c’est un choix qui revient à celui qui les regarde. On s’amuse à retrouver là une posture que beaucoup d’artistes contemporains aiment à tenir.

A rebours, Pictoplasma faisait même remonter la création de figures à travers les matières et à travers les époques, pour retrouver aussi bien le bronze (Friends With You) que la fabrique des idoles (The Missing Link). Un retour aux arts premiers, à la fois sacrés et communs ? A moins que la proposition de Pictoplasma ne soit pas d’aller vers une oeuvre, mais vers une multitude d’élémentaires, vers un code figuratif, une typographie ?

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