L’épée, usages, mythes et symboles : le point de vue du médiéviste

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[NDLR : J’ai l’honneur d’accueillir aujourd’hui, pour parler de l’exposition du musée national du Moyen-Age, rien moins qu’un médiéviste de renom, féru d’histoire postale et muséogeek averti, Laurent Albaret ! — Guillaume]

On en a beaucoup parlé sur les réseaux sociaux, les sites et blogs de museogeeks depuis son ouverture – et même avant son vernissage – dont le carton d’invitation était des plus classieux. Cette nouvelle exposition du Musée national du Moyen Âge, le musée de Cluny pour les intimes, promettait monts et merveilles autour de l’épée, « usages, mythes et symboles ». De l’objet « emblématique du Moyen Âge » à l’objet relativement commun dans ces siècles trop souvent caricaturés, l’épée devait attirer tous les regards. Et ce fut le cas. Étonnamment d’ailleurs, je n’ai pas trouvé trace d’une exposition sur ce sujet sur les dernières décennies. Un oubli désormais réparé.

Si le commissaire de l’exposition, Michel Huynh, est un personnage que l’on écoute avec un grand plaisir, l’épée qu’il a voulu (re)présenter dans les trois axes rappelés dans le titre de l’exposition est un objet que l’on regarde avec une grande curiosité.. farcie d’idées fausses. Idéalement installée dans le frigidarium des thermes de Cluny, l’exposition, qui rassemble quelque 120 pièces, met bien évidemment en valeur, dans une scénographie sobre et efficace, la dimension de la légende liée à l’épée, le mythe qui entoure l’objet, mais également sa place symbolique dans le pouvoir, offensive ou défensive dans le combat ou plus simplement décorative dans la cérémonie. On passera sur les épées exceptionnelles – de Durandal, l’épée de Roland de Roncevaux à celle du Cid, en passant par la Joyeuse de Charlemagne – pour retenir deux aspects de l’exposition : la volonté d’éducation populaire, de mouvement et une touche de légèreté posée sur un sujet délicat.

Le ton est donné dès les premières vitrines, avec une présentation typologique de l’épée, présentation austère, mais utile. Peu de choses concernant sa fabrication propre à travers les siècles, mais l’approche technique est là, avec des modèles des plus variés par leur forme, des décors des plus simples ou plus riches, techniques couvrant les quelques dix siècles du Moyen Âge, voire au-delà.

L’épée du combattant – en l’occurrence souvent celle du chevalier – domine manifestement le propos. Arme de guerre, mais arme que l’on enseigne ; le court film sur l’apprentissage du maniement de l’épée dans le combat rapproché est d’ailleurs très instructif. Quant à la possibilité de prendre une épée en main pour en appréhender le poids, voire le maniement, l’idée est lumineuse et bat en brèche les idées reçues. Mais quand la guerre se tait, l’épée devient symbole de pouvoir, figure littéraire ou objet de légende comme Excalibur. Sa représentation dans les livres, l’orfèvrerie, sur les coffres ou les objets religieux – les épées des saints sont aussi à l’honneur – reste une partie originale. Étonnamment, le propos de l’exposition dépasse parfois la période médiévale et l’on découvre l’épée dans le combat pour l’honneur au XXe siècle, dans l’apparat sous le IIIe Reich avec une épée de Luftwaffe, ou dans la symbolique avec la très belle épée de l’académicien orientaliste Jean-Pierre Mahé. Une vision large, proposée simplement, par de (trop) petits cartels sans prétention – parfois difficilement déchiffrables et souvent dans le désordre – qui font fi de l’érudition ou de l’académisme.

La légèreté se découvre également au détour des vitrines de l’exposition. Un extrait de la série médiévale Kaamelott autour du roi Arthur avec l’épisode de l’adoubement – les petits films parsèment l’exposition –, le combat hilarant entre Arthur et le chevalier noir des Monthy Python dans Sacré Graal, des épées médiévales d’enfants ou celle d’un… Playmobil, présentée le plus sérieusement du monde avec son cartel, font sourire le visiteur.

Bien que le parcours soit parfois hésitant – les thématiques ne sont pas clairement définies –, le visiteur déambule sans s’en soucier, de vitrines en vitrines. Et il y prend grand plaisir. Il vous reste donc un petit mois pour profiter de cette exposition et de ses animations (la liste est proposée sur le site internet du Musée national du Moyen Âge). C’est largement suffisant pour découvrir cet ensemble remarquable dans une scénographie séduisante, encensé à juste titre par plusieurs spécialistes du Moyen Âge. Pour ma part, j’y retournerai.

Laurent Albaret est directeur du pôle numérique de Phil@poste, médiéviste féru d’histoire postale, de rugby (notamment auvergnat), attentif au monde des musées et du web 2.0.

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Un commentaire

  1. allera
    7 février 2012
    Répondre

    Je viens de passer,un instant culturel fort ! Merci cher Laurent , Il est effectivement important de souligner certains errements visuels quand il s’agit de mettre en avant d’exposer un symbole fort comme  » l’épée  » .au plaisir de te lire ……

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