Essai de typologie de l’art numérique, et François Zajega à la galerie Charlot

Du 10 mai au 11 juin 2011, la galerie Charlot, qui a décidément toute ma confiance, héberge des oeuvres de François Zajega alias Frankie Zafe, artiste numérique dont la démarche m’a particulièrement plu. Je vous conseille d’aller y faire un tour, et surtout d’aller voir de nuit l’oeuvre interactive sur la vitrine de la galerie au 47 rue Charlot.

Avant d’aborder le sujet des oeuvres de François Zajega, il faut que je vous remette dans le contexte dans lequel je les ai vues. La veille, j’étais à la conférence de Matt Pyke & friends, un collectif d’artistes numériques, à la Gaîté lyrique. J’ai déjà écrit là-dessus, et depuis je me suis posé des questions sur ce qu’est l’art numérique et comment il se décline, en développant quelques idées. On peut commencer en dressant une histoire à très gros grains de l’art, sous forme de : arts premiers, art classique, art moderne et art contemporain, et de considérer l’art numérique comme démarrant à un temps zéro sur un nouveau terrain, dans une nouvelle histoire. Les époques de l’art « d’avant » ne sont alors plus successives mais simultanées, des courants parallèles. Avec cette approche, on pourrait alors qualifier un art numérique qui cherche à représenter avec ses propres moyens le réel qui l’entoure, ce monde qui lui est extérieur, étranger, comme un art numérique premier ou classique, en fonction des finalités qu’il poursuit. Pour aller plus loin, j’appellerai même art numérique analogique un art numérique dont la création procède par analogie à des objets du monde réel. C’est en ces termes, art numérique premier et/ou classique, art numérique analogique, qu’en première approximation je qualifierai l’oeuvre de Matt Pyke & friends.

L’art numérique non analogique (je cherche toujours un terme mais rien ne me satisfait) adopte la promesse folle de l’art numérique de se détacher du réel, de ses formes et de ses obligations, de son in-tension (qui s’impose au sculpteur et au peintre par la matérialité, au photographe et au cinéaste par le plan et la coupe) pour offrir un néant numérique où ne subsiste plus que l’intention de l’artiste, ou justement à un degré plus élevé l’abandon de l’intention humaine au profit de celle (à questionner) de la machine. « Presque plus que l’intention de l’artiste », pour des raisons qu’il me faudra développer. Là je pourrais commencer aussi à illustrer mon propos avec une évocation de la scène demo. Mais bref. Ainsi, au sein d’un art numérique de courant moderne/contemporain qui tend à s’évader de l’analogie, on peut voir se dégager encore une alternative entre art numérique déterministe et non déterministe.

Il ne m’en fallait pas moins pour introduire les oeuvres de François Zajega, qui se placent selon moi au coeur de toutes ces interrogations. Leur forme se détache de la représentation du réel, les règles qu’il gouverne pas nécessairement. Certaines oeuvres (sous forme d’affichage du résultat de l’éxécution d’un algorithme) ont un comportement complètement déterminé par l’artiste, une intention pré-méditée, d’autres auront une forme différente à chaque exécution, certaines même vont évoluer dans le temps, « apprendre ». Une infinité de questions se posent alors, pour la critique bien sûr (comment critiquer une oeuvre dont la forme échappe à son créateur voire aura évolué le lendemain ?), pragmatiquement pour les collectionneurs et marchands d’art, demain pour les visiteurs et médiateurs de musées. C’est du vécu et de l’entendu devant les oeuvres de François Zajega : « qu’est-ce qu’on achète ? » Le tableau qui reproduit une forme créée par le programme à un instant donné dans un cadre donné, la vidéo de la constitution de cette forme par le programme, le programme sans ses règles de fonctionnement (son code source), le programme ainsi que ses règles de fonctionnement, comme une représentation du geste de l’artiste reproductible à l’infini ? Walter Benjamin, reviens !

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3 commentaires

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